Judy Erola, 1983

Les femmes se mobilisent à l'échelle du Canada

Les femmes se mobilisent à l'échelle du Canada



Les revendications des Canadiennes n’ont pas été prises en compte lors des négociations entourant le rapatriement de la Constitution. Les décideurs politiques, le premier ministre Trudeau et les premiers ministres provinciaux, étaient tous des hommes. Les femmes se sont battues pour faire entendre leurs voix sur tous les aspects de la Constitution, et pas seulement sur la Charte des droits. Lorsque les gouvernements, fédéral et provinciaux, commencèrent à discuter des droits et libertés qui seraient inclus dans la Charte, les Canadiennes se mobilisèrent afin d’assurer une réelle protection du droit à l’égalité des femmes.

Cependant, toutes les femmes n’ont pas été entendues les femmes représentent un groupe aussi divers et varié que la société elle-même. Dans bien des cas, les femmes qui ont pu s’exprimer étaient les homologues des hommes qui ont participé aux négociations constitutionnelles. Malgré tout, les voix qui ont été entendues ont fait une réelle différence.

Plusieurs femmes témoignent, individuellement ou en groupes, devant le Comité parlementaire Hays-Joyal Le comité mixte spécial sur la Constitution, présidé par le sénateur Harry Hays et le député Serge Joyal, en 1980 et 1981. Pendant trois mois, ce comité a tenu des audiences publiques (dont certaines ont été retransmises à la télévision) et a reçu les soumissions écrites de plus de 900 individus et organisations portant sur les propositions du gouvernement fédéral sur le rapatriement de la Constitution. et lors d'une conférence organisée en février 1981. Elles font notamment des recommandations sur ce que devrait inclure un article de la Charte portant sur les droits à l'égalité et pour protéger ces droits de toute violation que le gouvernement pourrait facilement justifier. Elles tiennent à s'assurer de la clarté et de la précision du libellé de la Charte afin que les tribunaux puissent y recourir avec autorité pour en garantir l'égalité.

Les femmes lors de la conférence constitutionnelle de 1981
02_women_and_the_constitution_framegrab_10001618_CBC.jpg Les femmes et la Constitution, 1981.

Elles tiennent à s'assurer de la clarté et de la précision du libellé de la Charte afin que les tribunaux puissent y recourir avec autorité pour en garantir l'égalité.

Les femmes se mobilisent

Une fois l'accord constitutionnel conclu, en novembre 1981, les femmes se mobilisent à travers le pays pour renverser une décision de dernière minute qui consiste à assujettir les deux clauses d'égalité – les articles 15 et 28 – à la clause « nonobstant » (l’article 33 de la Charte). La clause aurait permis aux gouvernements de déroger à ces droits. Inclure les articles 15 et 28 dans la dérogation aurait signifié que l'égalité des sexes, et d'autres droits à l'égalité, auraient pu être ignorés. Les femmes, tout comme les autres groupes qui ont lutté en faveur de leurs droits à l’égalité, sont outrées de voir que les rares dispositions de la Charte qu’elles ont réussi à obtenir avec difficulté sont considérées comme négligeables au moment de la formulation de l’accord.

(Société Radio-Canada)

Lynn McDonald, présidente du Comité national d’action sur le statut de la femme, 1981 (Société Radio-Canada).

En quelques semaines, les Canadiennes d'un peu partout au pays, et de tous les partis politiques, se mettent à téléphoner à des personnalités clés, à se rendre en personne dans leurs juridictions et à manifester pour convaincre leurs premiers ministres Dirigeants des partis au pouvoir au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, dont le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux et territoriaux. Le Canada compte quatorze premiers ministres. provinciaux de renverser la décision d’inclure les droits portant sur l'égalité, protégés par les articles 15 et 28, dans la « clause nonobstant ». Ces actes représentent un moment décisif où les citoyens canadiens font valoir que la Constitution n'appartient pas seulement aux gouvernements, mais qu’elle appartient aussi au peuple.

Qu’elle appartient aussi au peuple.

Les femmes se mobilisent devant l’édifice législatif de la Saskatchewan, en 1981
Judy Erola, ministre fédérale responsable de la Condition féminine (1981-1984)
04_women_strike_1857_UOFTPRESS.jpg Grève de travailleurs de l’industrie textile, en 1915

La mobilisation des femmes au sujet de la Constitution reflète une étape importante dans la lutte pour les droits civils. Les femmes ont dû lutter longtemps pour obtenir leurs droits les plus fondamentaux, tels que le droit à la propriété et celui de participer aux élections. 

Avant la fin de la Première Guerre mondiale, les femmes au Canada n'avaient pas le droit de voter. Le droit de vote au niveau fédéral n’a été acquis qu’après des décennies de campagnes débutées au 19e siècle et, même là, ce droit n’est accordé qu’aux femmes qui étaient des « sujets britanniques ». Certaines provinces accordent le droit de vote aux femmes plus tôt que d’autres. Par exemple, au Québec, les femmes n’acquièrent le droit de voter aux élections provinciales qu’en 1940. Il faut attendre jusqu’en 1960 pour que le gouvernement fédéral accorde le droit de vote aux Indiens qui sont inscrits, aussi bien les femmes que les hommes.

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La juge Emily Murphy, en 1910.

Avant 1980

Étapes clés dans l’histoire des droits des femmes du Canada

Avant 1980


Étapes clés dans l’histoire des droits des femmes du Canada


1929: L’AFFAIRE « PERSONNE »

À la fin des années 1920, Emily Murphy devient la première femme de l'Empire britannique à être nommée juge en vertu du droit occidental (les systèmes juridiques autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. avaient une reconnaissance différente du rôle des femmes que menaçait l'imposition du droit occidental par le Canada). Emily se joint aux « célèbres cinq », un groupe de cinq femmes activistes de l'Alberta. Elles déposent une pétition auprès de la Cour suprême pour qu’elle détermine si les femmes peuvent être considérées « personnes admissibles » à la nomination au Sénat. La Cour suprême juge que non, mais l’affaire « personne » est contestée et renversée devant le Comité judiciaire du Conseil privé (le plus haut tribunal de Grande-Bretagne) qui juge en faveur des femmes. Les femmes sont enfin reconnues comme des « personnes » en vertu de la loi et dignes d'être considérées pour des nominations au Sénat.

Les femmes sont enfin reconnues comme des « personnes » en vertu de la loi et dignes d'être considérées pour des nominations au Sénat.

Les Célèbres cinq (de gauche à droite): Nellie McClung, Louise McKinney, Henrietta Muir Edwards, Emily Murphy et Irene Parlby, en 1930

Lutte pour l’égalité

02_royal_commission_on_the_status_of_women_MIKAN_4277043_LAC.jpg Commission royale sur le statut de la femme, 1971

1967: La commission royale

La Commission royale d'enquête sur la situation de la femme, en 1967, représente un moment charnière dans la lutte des Canadiennes pour l'égalité. Son vaste champ d’étude et sa série de recommandations à l'intention des gouvernements fédéral et provinciaux mènent à la création du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme et, en 1971, au poste de ministre responsable de la Condition féminine. Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme (CCASF) est aussi formé, de même qu’une multitude de nouveaux groupes de femmes à travers le Canada.

1979: pétition des femmes autochtones aux Nations Unies

Alors que ces développements constituent une première au sein des lois canadiennes et britanniques, il est important de noter que, dans plusieurs systèmes juridiques  autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. , les femmes jouaient des rôles importants dans les prises de décision, et ce, bien avant que les lois et les politiques canadiennes ciblent les femmes autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. et les empêchent délibérément d’assumer des rôles de pouvoir au sein de leurs propres traditions juridiques et dans leur gouvernance afin de contrôler les peuples autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. . Par exemple, les dispositions de la Loi sur les Indiens Terme utilisé historiquement pour désigner les premiers peuples de l’Amérique du Nord – Indigènes et Autochtones – mais il est considéré comme irrespectueux ou inexact. Néanmoins, il est toujours utilisé dans l’article 91(24) de la Constitution ainsi que dans la « Loi sur les Indiens ». stipulent que toute femme autochtone Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. qui épouse un homme non-autochtone se verra refuser le statut d'Indienne et ne pourra plus vivre dans des réserves ou participer aux activités de gouvernance locale. Cette clause s’appliquent également à ses enfants et ses petits-enfants. Dans l'affaire Sandra Lovelace c. Canada, les femmes autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. réussissent à contester cette loi devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU après que Jeanette Lavell, et d’autres femmes, échouent dans leurs essais à faire modifier cette disposition de la Loi sur les Indiens devant la Cour suprême du Canada, en invoquant la Déclaration des droits.

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1980: Le Comité Hays-Joyal

Les femmes se mobilisent autour de la constitution

1980-1981

Les femmes se mobilisent autour de la constitution


1980-1981


1980: Le Comité Hays-Joyal

En  octobre  1980, après  que le premier  ministre Pierre Trudeau  présente son « Ensemble pour le peuple » Expression de Pierre Trudeau qui fait référence à sa vision du renouvellement de la constitution, soit le rapatriement lui-même, l’élaboration d’une Charte des droits et libertés et d’un plan visant à adopter une formule d’amendement par voie d’un référendum. « L’ensemble pour le peuple » fait partie de la résolution sur le rapatriement de 1980 de Pierre Trudeau. — une résolution visant à rapatrier unilatéralement la Constitution de la Grande-Bretagne au Canada et à y ajouter une charte des droits  une commission parlementaire mixte de la Chambre des communes L’Assemblée législative « basse » (par opposition à la « chambre haute » du Sénat) du parlement canadien. La Chambre compte les représentants de circonscriptions élus par le peuple (les districts électoraux) à travers le Canada. et du Sénat « Chambre haute » du parlement canadien qui examine et approuve toutes les lois fédérales introduites dans l'une ou l'autre Chambre. (En général, il s’abstient de proposer la législation bien qu'il en possède le pouvoir.) Le Sénat est composé de 105 sénateurs nommés par le Gouverneur général, sur les conseils du premier ministre. Ils occupent leurs fonctions jusqu'à 75 ans. Les sièges au Sénat sont proportionnels à la population d’une région afin d’équilibrer la composition de la Chambre des communes, basée sur la population, et d’améliorer l'égalité régionale au sein du gouvernement. est créée, connue sous le nom de Comité Hays-Joyal Le comité mixte spécial sur la Constitution, présidé par le sénateur Harry Hays et le député Serge Joyal, en 1980 et 1981. Pendant trois mois, ce comité a tenu des audiences publiques (dont certaines ont été retransmises à la télévision) et a reçu les soumissions écrites de plus de 900 individus et organisations portant sur les propositions du gouvernement fédéral sur le rapatriement de la Constitution. . Comme Jean Chrétien, le ministre de la Justice, l’a expliqué plus tard, cette résolution donnait aux gens « normalement sans pouvoir ni organisation » la possibilité de contribuer à la Charte.

Judy Erola, ministre fédérale responsable de la Condition féminine (1981-1984)

Le Comité Hays-Joyal Le comité mixte spécial sur la Constitution, présidé par le sénateur Harry Hays et le député Serge Joyal, en 1980 et 1981. Pendant trois mois, ce comité a tenu des audiences publiques (dont certaines ont été retransmises à la télévision) et a reçu les soumissions écrites de plus de 900 individus et organisations portant sur les propositions du gouvernement fédéral sur le rapatriement de la Constitution. parcourt le pays et, pour la première fois dans l'histoire du Canada, un grand nombre de ses séances sont télévisées. À la surprise de tous, de très nombreux Canadiens se présentent en personne et soumettent des idées et des commentaires par écrit portant sur des changements constitutionnels, et en particulier sur la Charte proposée. Le Comité tend l’oreille au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF), au Comité d’action national (CNA), à l’Association nationale Femmes et Droit (ANFD), à l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), ainsi qu’à plusieurs autres groupes autochtones, groupes de défense des libertés civiles, organisations de personnes lesbiennes et gaies, organisations de personnes handicapées et bien d’autres. Le plus grand nombre de documents et de témoignages présentés devant le Comité porte sur les dispositions de la Charte relatives aux droits à l'égalité. La plupart des requérants font pression pour l’inclusion d’une gamme de droits beaucoup plus vaste, d’une formulation de l’article relatif aux droits à l'égalité qui rendrait inconstitutionnels les effets de discrimination contre les femmes et d'autres groupes défavorisés. Ces requérants demandent aussi qu’on offre moins de possibilités aux gouvernements de ne pas respecter les droits.

(Société Radio-Canada)

Lucie Pépin, Conseil consultatif canadien sur le statut de la femme, 1981

Au sein des communautés autochtones, l'Association des femmes autochtones (AFAC) s’intéresse particulièrement à la lutte contre les effets culturels et économiques de la discrimination à l'égard des femmes autochtones, en vertu de la Loi sur les Indiens. Les débats constitutionnels naviguent entre les intérêts des communautés autochtones au sens large et ceux des groupes de pression féminins qui manifestent pour obtenir du soutien. L'AFAC défend les lois autochtones (niées et mises à mal par les lois et les politiques canadiennes) qui reconnaissaient le rôle et l’importance des femmes autochtones dans les systèmes juridiques et de gouvernance.

Marilou McPhedran, conseillère pour le Comité ad hoc des femmes canadiennes sur la Constitution (1980-1982)

Après une présentation du CNA, le coprésident du comité parlementaire mixte, le sénateur Harry Hays, fait cette remarque: « Je me demande pourquoi nous n’avons pas un article [dans la Charte] sur les bébés et les enfants. Vous, les filles, quand vous serez au travail, il n’y aura plus personne pour s’occuper d’eux. »His condescending comment made national news and helped motivate women across the country to fight harder for their equality rights. 

Ses commentaires arrogants défraient les chroniques nationales et incitent les femmes de tout le pays à lutter encore davantage pour leurs droits à l'égalité.

Harry Hays en 1980 (Société Radio-Canada)
01_women_and_the_constitution_framegrab_10001618_CBC.jpg Les femmes et la Constitution, en 1981

Début de 1981: le Comité Ad Hoc

La décision d'annuler une conférence constitutionnelle organisée par le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF) s’avère un autre événement mobilisateur pour les femmes à travers le pays. En plus des nombreuses soumissions orales et écrites à la commission parlementaire mixte, le CCCSF organise une conférence au cours de laquelle les femmes peuvent se rassembler pour délibérer sur les protections constitutionnelles.

Le gouvernement fédéral exerce des pressions sur l'organisation pour qu’elle annule la conférence, craignant que cela ne compromette l’accord entre les gouvernements fédéral et provinciaux à un moment critique des négociations constitutionnelles. La conférence est donc annulée et Doris Anderson, la présidente du CCCSF, démissionne en signe de protestation.

Mais les femmes se rencontrent quand même. Ne se laissant pas dissuader, un groupe de femmes appelé les « Ad Hockers » organise rapidement une autre conférence. Le 14 février 1981, 1 300 femmes venant de partout au Canada assistent à une conférence constitutionnelle à Ottawa.

Doris Anderson, président du Comité canadien d’action sur le statut de la femme, en 1982
Ottawa, 1981 (CTV)

Suite à la résolution adoptée lors de cette réunion, un effort de pression ad hoc est lancé et la Charte comprend désormais une clause — l'article 28 — qui stipule que tous les droits inscrits dans la Charte seront garantis de façon égale, aux hommes comme aux femmes.

L'article 28 qui stipule que tous les droits inscrits dans la Charte seront garantis de façon égale, aux hommes comme aux femmes.

Judy Erola, ministre responsable de la Condition féminine (1981-1984)
Patricia Paradis, Directrice exécutive, Centre d’études constitutionnelles, Université de l’Alberta

Avril 1981: article 28, l'amendement sur l'égalité des droits

En avril 1981, le Comité Hays-Joyal soumet à la Chambre des communes une version modifiée de la Charte. Grâce aux efforts des Canadiennes, la formulation portant sur les droits à l'égalité est beaucoup plus puissante et l’inscription d’un nouvel article (l’article 28) comprend l’énoncé suivant: « Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes ». La formulation limite également les circonstances dans lesquelles le gouvernement peut justifier toute dérogation à ces droits.

La section 28 de la Charte des droits et des libertés

Marilou McPhedran, conseillère pour le Comité ad hoc des femmes canadiennes sur la Constitution (1980-1982)

04_pauline_jewett_18959036_CP.jpg La députée du NPD Pauline Jewett, en 1983

Novembre 1981: les femmes passent de nouveau à l'action

After the November 1981 constitutional accord was signed, amendments to it were tabled in late November. One of those amendments ensured that the section 33 override provision would include not only the section 15 equality rights provision in the Charter, but also section 28 which stated that all rights in the Charter would be guaranteed equally to women and men. That meant that any government could use the clause to override or ignore equality rights. This was contrary to the deal initially arrived at by the first ministers on November 5th.

Les femmes se sentent trahies et sont furieuses.

L'initié: Judy Erola

Judy Erola est la toute première femme à accéder au poste de ministre responsable de la Condition féminine. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les deux premières personnes que Trudeau nomme à ce poste sont des hommes. 

Erola découvre ce problème lors d’une cérémonie officielle organisée pour célébrer l'accord constitutionnel, alors qu’elle est assise derrière Trudeau avec ses homologues du cabinet. Erola essaie de garder son calme, mais lors d'une réunion subséquente, elle interrompt ses homologues libéraux qui s’autocongratulent et exprime sa consternation. Trudeau est stupéfait et insiste sur le fait que les droits de la femme sont toujours protégés dans la Charte. Erola déclare que les droits de la femme doivent être exempts de toute possibilité de dérogation. Elle suggère de convaincre les premiers ministres de reformuler la loi. Trudeau est étonné.

Judy Erola, 1982
06_judy_erola_18403066_CP.jpg Judy Erola, 1982

Elle suggère de convaincre les premiers ministres de reformuler la loi. Trudeau est étonné.

Judy Erola, ministre fédérale responsable de la Condition féminine (1981-1984)

En tant que membre du Cabinet, Erola ne peut pas s'opposer activement à l'accord de rapatriement Processus visant à amener l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 – la Constitution du Canada – sous le contrôle total du Canada, plutôt que de le conserver comme une loi du Parlement britannique. Après des décennies d'efforts, le rapatriement s'est conclu par l’adoption en 1982 de l’Acte de la Grande-Bretagne au Canada et de la Loi constitutionnelle, qui prévoient notamment un moyen de modifier la Constitution au Canada. La nouvelle Constitution n'a pas été ratifiée par le gouvernement du Québec. de son propre gouvernement. Ses déclarations publiques doivent être prudentes et ses activités clandestines. Il est entendu que si une tentative de modification de l'accord échoue (comme le prévoient la plupart de ses homologues), elle démissionnera. « Très bien, » se dit Erola, « qui voudrait être la ministre responsable de la condition féminine si les femmes n’ont aucun statut? » Elle fait immédiatement appel à toutes les ressources qu’elle peut obtenir dans son propre cabinet et dans ceux de ses homologues provinciaux.

Elle fait immédiatement appel à toutes les ressources qu’elle peut obtenir dans son propre cabinet et dans ceux de ses homologues provinciaux.

Judy Erola, 1983
08_flora_macdonald_18960129_CP.jpg Flora MacDonald, 1979

Un réseau national

Les femmes députées, quoique peu nombreuses en 1981, sont puissantes et ont de bons contacts. La progressiste-conservatrice Flora McDonald et les néo-démocrates Pauline Jewett et Margaret Mitchell, en particulier, se mettent sérieusement au travail.

Officiellement, l'utilisation des ressources du département à des fins politiques viole les règles mais Erola décide qu'elle en subira les conséquences une fois la bataille terminée. « Quand une chose ne va pas, vous essayez de la réparer, » déclare-t-elle plus tard. « N’est-ce pas pour cela qu’on entre dans la vie publique? » Menées principalement par les « Ad Hockers », les femmes des différents partis, partout au pays, travaillent sans relâche pour convaincre leurs premiers ministres d'éliminer la clause de dérogation de l'article 28. Elles affrontent leurs caucus, les homologues de leur parti dans les provinces. Elles travaillent dur.

Elles affrontent leurs caucus, les homologues de leur parti dans les provinces. Elles travaillent dur.

09_pauline_jewett_18959036_CP.jpg Pauline Jewett, 1983
Margaret Mitchell, 1983
Judy Erola, ministre fédérale responsable de la Condition féminine (1981-1984)
Marilou McPhedran, conseillère pour le Comité ad hoc des femmes canadiennes sur la Constitution (1980-1982)

À la Chambre des communes L’Assemblée législative « basse » (par opposition à la « chambre haute » du Sénat) du parlement canadien. La Chambre compte les représentants de circonscriptions élus par le peuple (les districts électoraux) à travers le Canada. , Jewett évoque le célèbre « Accord de la cuisine » de la Conférence constitutionnelle en s’exclamant: « S’il y a un moment où une femme aurait dû être à la cuisine, c’est bien celui-là! »

Elle demande ensuite: « Qu’est-ce que cela nous apprend sur la position des femmes au sein de la société canadienne? Sommes-nous simplement un détail, une erreur de rédaction? »

Bibliothèque et Archives Canada

Pauline Jewett interroge Trudeau sur la section 28, en 1981

Victoire sur les premiers ministres

Même s'ils ne veulent pas modifier leur accord original, les premiers ministres provinciaux ne sont pas prêts à risquer de perdre le soutien de plus de la moitié de la population. Certains commencent à donner leur soutien à la campagne des femmes. Parmi eux figure Peter Lougheed, de l'Alberta, à qui l’on n’a pas manqué de rappeler que l'historique Affaire « personne » a eu lieu dans sa province. Finalement, Bill Davis, de l'Ontario, prend l’initiative.

L’un après l’autre, les premiers ministres acceptent de préciser que la clause dérogatoire Également appelée « clause nonobstant », elle permet au parlement ou aux législatures provinciales d’outrepasser ou d'ignorer certains articles de la Charte des droits et libertés lorsqu'ils élaborent des lois. Elle permet à une loi d’exister nonobstant le fait qu’elle est en violation de la Charte des droits et libertés. La clause dérogatoire ne peut être utilisée qu'en référence à l'article 2 (Libertés fondamentales), aux articles 7 à 14 (Garanties juridiques) et à l'article 15 (Droits à l'égalité) et elle ne peut être invoquée que pour une durée de cinq ans. ne s'appliquera pas à l'article 28. Curieusement, le dernier qui résiste à modifier l’accord est Allan Blakeney, de la Saskatchewan, le seul premier ministre néo-démocrate de l'époque.

Les Premiers ministres provinciaux, aux alentours de 1981

Blakeney craint notamment que les tribunaux puissent contester les programmes d’action positive destinés aux femmes, étant donné que l’article 28 applique les droits garantis par la Charte « de façon égale » entre les hommes et les femmes. Mais sa principale préoccupation est l’inscription des droits des peuples autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. dans la Constitution. Il retarde stratégiquement son consentement dans le but d’exercer des pressions sur ses homologues pour qu’ils réclament l'inclusion d'un article qui protégerait les droits des peuples autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. .

Allan Blakeney, 1973
12_woman_protestor_with_sign_ce_668_0029_UBCIC.jpg Participant à la manifestation de « L’Express de la Constitution » en 1980

La victoire finale

Lors d’une journée glaciale de la fin novembre 1981, les femmes manifestent devant l’édifice de l’Assemblée législative de la Saskatchewan, à Regina, et tiennent une veillée aux chandelles en réclamant que Blakeney appuie la suppression du pouvoir de dérogation de l'article 28. Blakeney accepte finalement après que la Colombie-Britannique et l'Alberta s’avouent en faveur de la réintroduction de l’article 35, portant sur les droits ancestraux et issus de traités autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. , à la condition que le mot « existant » soit ajouté dans l’article.

Les femmes agissent sur le plan législatif, en Saskatchewan, en 1981 (Société Radio-Canada)
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Manifestation de femmes, à Toronto, en 2017.

Depuis 1981

Les droits des femmes au Canada depuis la charte

Depuis 1981


Les droits des femmes au Canada depuis la charte


On ne fait pas souvent appel à l'article 28, et quand on y fait appel, cela est raremen interprété comme une avancée des droits des femmes, ce qui déçoit les féministes.

La plupart du temps, les femmes qui revendiquent des droits à l’égalité ont recours à l’article 15 qui protège contre la discrimination fondée sur le sexe et d’autres motifs tels que les déficiences mentales ou physiques, la race, la couleur ou l’âge. Elles ont également recours à l'article 7 (portant sur la vie, la liberté et la sécurité de la personne) pour des questions comme le droit à l'avortement et la légalité des lois pénales concernant la prostitution.

Judy Erola, en 1982 (Société Radio-Canada)

Judy Erola, la ministre qui a promis à Trudeau que les Canadiennes pouvaient ensemble convaincre les premiers ministres Dirigeants des partis au pouvoir au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, dont le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux et territoriaux. Le Canada compte quatorze premiers ministres. provinciaux de protéger l’égalité des sexes, croit qu’il reste encore beaucoup à faire – comme, par exemple, mettre en place un programme national de garderies.

Loin d'être terminée

Le nombre de femmes élues au parlement canadien a considérablement augmenté depuis l’époque de Judy Erola et de Pauline Jewett, même si encore aujourd’hui les femmes n’occupent qu’un quart des sièges parlementaires et des assemblées législatives du Canada. Et bien que les femmes aient réalisé des gains importants grâce aux protections des droits à l’égalité de la Charte, il devient de plus en plus évident que les droits des femmes doivent être définis plus profondément qu'ils ne l’ont été en 1981, notamment pour aborder la situation de femmes qui subissent plusieurs types de discrimination. Pour les femmes de couleur, les femmes autochtones Terme générique désignant les premiers peuples de l’Amérique du Nord et leurs descendants qui inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Voir aussi: Indigène. , les femmes immigrées, les femmes handicapées, les femmes lesbiennes et bisexuelles, les personnes qui ne se conforment pas à leur genre, les femmes vivant dans la pauvreté et d’autres encore, la quête de l'égalité des sexes est loin d'être terminée. 

Manifestation de femmes, à Montréal, en 2017
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Les femmes se mobilisent à l’échelle du Canada

Les femmes réclament l’égalité

Les revendications des Canadiennes n’ont pas été prises en compte lors des négociations entourant le rapatriement de la Constitution.

INTRODUCTION

Les femmes se mobilisent à l'échelle du Canada

Avant 1980

Étapes clés dans l'histoire des droits des femmes au Canada

1980-1981

Les femmes se mobilisent autour de la Constitution

Depuis 1981

Les droits des femmes au Canada depuis la charte

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